Zakaria En Nana, l'âme d'un Thé pour la Paix

Au cœur de Rosières, ancienne cité ouvrière au sud de Bourges, une poignée d'amateurs de thé a eu le privilège, en 2021, de pénétrer les ateliers encore confidentiels de la Maison NANA1807. Pour la première fois, ses portes se sont ouvertes au public dans le cadre des Visites secrètes organisées par Tourisme & Territoires du Cher.

Fondée en 2020 au sein même de la demeure familiale, l'entreprise émergeait alors timidement. Pourtant, derrière cette jeunesse, résonnait déjà une histoire profonde, dont les valeurs semblaient répondre à une quête commune après la pandémie de Covid-19, une soif de partage retrouvée. “Au Maroc, du Palais royal à la plus humble demeure, le thé à la menthe est une tradition consommée par tous, symbole d'art et d'hospitalité”, confie en souriant Zakaria En Nana, créateur de la maison.

De ses origines à Salé, ville marocaine où il est né en 1967, jusqu'à Rosières où il a grandi, Zakaria, fier d'être “Marocain Berrichon”, s'est façonné “dans une mixité sociale, religieuse et culturelle”, où le thé à la menthe incarnait “une valeur généreuse et fédératrice”. En France, sa mère, Fatna, qui commençait à peine à s'exprimer en français, appréciait partager cette boisson avec les voisins. “Mes parents ont fait partie de la vague migratoire économique qui a contribué à la reconstruction de l'Europe”, explique Zakaria.

Dans les années 1960, son père, Brahim Cherkaoui – rebaptisé En Nana pour faciliter son intégration parmi les nombreux Cherkaoui immigrés sous la convention franco-marocaine de 1963 –, fut recruté par un agent du gouvernement français pour des missions dans le BTP à Vatan, dans l'Indre. Il effectua d'abord plusieurs allers-retours entre la France et le Maroc, où sa famille résidait encore. “Un jour, papa a décidé de ne plus retourner en France sans sa femme et ses enfants. Son employeur, satisfait de son travail, lui a alors fourni une maison meublée et nous sommes arrivés à Vatan en plein mai 1968.”

En 1972, Brahim fut embauché aux usines qui fabriquaient les célèbres cuisinières Rosières et poêles en fonte et c'est là que Zakaria, alors âgé de 5 ans, découvrit la riche diversité de ce village industriel. Jusqu'à 1 300 ouvriers, français et étrangers, partageaient une solidarité forgée par leurs parcours communs, avant le lent déclin et la fermeture définitive de la fonderie.

Baigné dans ce multiculturalisme, Zakaria se souvient d'une “enfance extraordinaire à Rosières” et de “vacances estivales à la plage de Salé”. Deux lieux, deux histoires, “deux refuges où j'aimais me ressourcer entre mes voyages. Lorsque je rendais visite à mes parents, en Berry, maman m'accueillait toujours avec un délicieux thé à la menthe selon la tradition de l'hospitalité marocaine”.

Car avant de créer la Maison NANA1807, Zakaria a voyagé à travers le monde durant plusieurs années.

Parmi les 193 pays membres de l'ONU, il a visité “les deux-tiers les plus économiquement développés”. Ingénieur d'affaires chez IBM, où il vendait des solutions informatiques aux plus grands constructeurs, puis directeur international chez Innovatron, entreprise pionnière dans les cartes à puces, Zakaria avait pour “résidence principale Air France”, plaisante-t- il.

Il a également passé un an au Caire, en Égypte, un territoire qui l'a profondément marqué. “C'était juste avant le Printemps arabe. On sentait naître une tension dans le pays et je pense que c'est cela, en dehors de ma volonté de revenir aux sources, qui m'a fait rentrer en France.” Peut-être était-ce aussi le destin car, en 2006, il fait la connaissance d'Adeline Moniez, créatrice de bijoux de peau et fondatrice de la maison de luxe Marbella. Elle deviendra la mère de ses enfants, Adam, aujourd'hui âgé de 17 ans, Engie et Emma, 15 ans, tous les trois associés dans la maison de thé à Rosières.